Sam Francis & Morris Louis deux figures de la peinture informelle.
Entre 1945 et 1960, après la guerre le monde de l’art connaît de profonds bouleversements, un nouveau pôle artistique émerge à New York, cependant Paris gare son aura culturelle et restera longtemps le lieu où les jeunes artistes viennent achever leur formation. Depuis longtemps Paris est aussi une terre d’accueil pour les artistes exilés, russes, allemands… Au lendemain de la deuxième guerre mondiale Paris est un haut lieu de la création artistique. L’abstraction va alors s’affirmer, depuis les années trente l’abstraction géométrique s’affirme avec pendant les années 50 le salon des réalités nouvelles présidé par auguste Herbin. Parallèle ment va se développer une autre abstraction, l’abstraction lyrique ou art informel, qui se développe rapidement en Europe. Cette abstraction lyrique est en partie inspirée des recherches surréalistes. De nombreux artistes surréalistes ayant émigré aux US pendant la deuxième guerre mondial vont inspiré de jeunes artistes réunis à New York. Jackson Pollock se placera en tête de se groupe d’artistes américain. Pollock en inventant le dripping et le développant « all over », en s’inspirant de l’écriture automatique des surréalistes, devient le chef de file de l’expressionnisme abstrait, avec Willem de Kooning, Franz Kline, Robert Motherwell, Lee Krasner, Mark Rothko, Barnett Newman, Ad Reinhardt, Clyfford Still. Newman et Rothko von évolués vers une peinture plus spirituelle aux grandes surfaces colorées qu’on appellera « color fields ». L’art américain prend alors une place de poids sur la scène internationale.
Parallèlement en Europe, des artistes comme Fontana ou Klein, manifestent de nouvelles tendances artistiques, en inventant la performance, et Vasarely, Soto l’art cinétique. Ces recherches auront également leur écho en Amérique.
Nous présentons dans cette conférences deux artistes américain appartenant au courant « informel » qui vont avoir une place un peu particulière compte tenus de leurs recherches respectives.
Ce qui les caractérise est le lien qui entretient avec l’œuvre de Henri Matisse.
Sam Francis & Morris Louis deux figures de la peinture informelle.
Une petite définition de la peinture informelle :
Ce qui caractérise la peinture informelle, c'est la volonté de rompre avec l'influence des courants figuratifs (du cubisme et du surréalisme) qui sont des peintures du sujet et de la forme, où le peintre cherche encore à reproduire un espace illusionniste- même si cet espace est interrogé et déconstruit, à partir de couleur, lumières et dessin(et de ses principes picturaux que sont la forme, l'harmonie tonale, l'équilibre, les proportions, la composition unitaire et la structuration centralisée.)
La peinture informelle est donc déstructurée et les œuvres sont souvent réalisées dans l'instant, avec une part d'improvisation. La peinture informelle est une peinture abstraite, dans laquelle l'artiste crée des signes auxquels il donne ensuite un sens. Où son sujet est la peinture elle même, la couleur. La peinture informelle à pour vocabulaire de base la ligne, la tache et la couleur
Parmi les enjeux fondamentaux de la peinture moderne, il faut souligner la « conquête de la couleur » (Florence de Mèredieu), « dire que la couleur est redevenue expressive c’est faire son histoire, pendant longtemps elle ne fut qu’un complément du dessin, Raphaël, Mantegna ou Dürer comme tous les peintres de la renaissance construisent par le dessin et ajoute ensuite la couleur locale. Au contraire les primitifs italiens et surtout les orientaux avaient fait de la couleur une moyen d’expression » H. Matisse.
Comme le souligne ici Matisse l’enjeux fondamental de la peinture moderne et contemporaine, est de libérer la couleur, et faire de celle ci le sujet de la peinture. Cette libération se fera au début du XXème siècle grâce à des peintres comme Gauguin et Matisse, qui s’éloignent du ton local et travail en aplats. Cependant on peut dire que dès la fin du XIXème, on voit le traitement de la couleur prendre deux directions opposées : l’une plus scientifique, où la couleur devient immatérielle, une recherche de la couleur lumière, qui devient une couleur spirituelle, comme le feront les divisionnistes, puis les abstraits influencé par l’anthroposophie comme Kandinsky, et plus tard Malevitch avec le suprématisme. Et un autre courant où la couleur est matérielle, les pigments sont opaques et épais. Cette approche qui pourrait être qualifiées de matiériste telle que l’utiliseront les expressionnistes.
Ce qui nous intéresse dans les cas de Morris Louis et Sam Francis est qu’ils cherchent à réconcilier ces deux tendances. Et ce en inventant de nouvelles manières de peindre.
L’invention des couleurs synthétiques et au court du XIXème et du XXème siècle, la diffusion des peintures acryliques au cours des années cinquante, révolutionnera l’approche de la couleur. Les couleurs acrylique, plus fluides, plus ductiles, solubles à l’eau permettent des jeux de transparences, et permettront une utilisation de plus en plus matiériste de la couleur ; en effet la toile n’est plus un simple support mais un élément à part entière de l ‘œuvre qui imprégné, par la couleur.
Sam Francis et Morris Louis qui sont deux peintres américains dont l’œuvre se développe dans les années d’après guerre, illustrent parfaitement cette libération de la couleur recherchée par les artistes depuis le début du XXème siècle.
Sam Francis
Sam Francis est un peintre américain, dont l’œuvre abstraite se développe au cours de la deuxième moitié du XXème siècle.
Il a une double influence : Américaine, frappé par la matérialité et la force colorée des œuvres de Clifford Still qui fut son professeur, il admire également les œuvres de Pollock, De Kooning et Rothko.
Mais aussi française, car pendant le long séjour qu’il fait en France entre 1950 et 1960, il découvre les œuvres de Monet, Matisse, et Bonnard, qui seront pour lui, des guides dans la mise en place de ses propres moyens d’expression. Et il noue une amitié avec le critique d’art Georges Duthuit, gendre de Henri Matisse.
Grand voyageur, il fera de longs séjours au japon, le bouddhisme et le Zen en particulier, sont également des sources d’inspirations pour Sam Francis.
Ce goût des voyages fera de lui un peintre solitaire, n’appartenant à aucune école, développant ainsi au cours de ces 45 années de production une approche tout à fait personnelle de la peinture.
Cette dernière est de plus nourrie par ses recherches scientifiques : pour comprendre la démarche artistique de Sam Francis il nécessaire de se pencher sur son engagement intellectuel dans la psychanalyse Jungienne.
Cette conférence présentera la vie et l’œuvre de Sam Francis, tout en décrivant sa démarche artistique.
- Enfance et formation
Samuel Lewis Francis né en Juin 1923 dans la ville de San Matteo en Californie. Ville de la grande banlieue de San Francisco, proche de la baie. Son père est professeur de Mathématique à l’université. Son enfance est marquée par la perte de sa mère à l’âge de douze ans.
En 1941-43 il s’inscrit à l’université de Berkeley où il suit des études de botanique, biologie et médecine. Ses études seront interrompues par la deuxième guerre mondiale.
En effet en 1943, il a 20, s’engage dans l’armée et commence une formation de pilote. Mais en 1944, son avion s’écrase dans le désert, choqué et grièvement blessé il est hospitalisé en Californie. Suite à son accident, on lui diagnostique une tuberculose osseuse de la colonne vertébrale. Il passera alors plus de deux ans cloué sur un lit d’hôpital dans l’incapacité de bouger. Sam Francis dit à avoir eu le sentiment que les docteurs avaient « renoncés à lui ».
C’est alors qu’il découvre la peinture, d’abord l’aquarelle, puis la tempera à l’œuf, car dès ses début il confectionne lui même ses couleurs.
Entièrement plâtrer, allonger sur le ventre, papier au sol, il peint des nuages, le ciel, la lumière. Il cherche à s’évader, il peint l’espace, l’infini.
Sam Francis, est profondément convaincu que c’est la peinture qui l’a guérit, « Ma peinture est venu de la maladie. J’ai quitté l’hôpital à travers ma peinture. Je souffrais dans mon corps, et c’est par ce que je fus capable de peindre que je pu me guérir ».
Sam Francis met alors en avant les vertus thérapeutiques de la peinture. Il n’a alors aucune culture artistique et ne connaît pas la peinture. Mais grâce à David Park, peintre et professeur, dont il reçoit des visites régulières il découvre la peinture. En effet ce dernier lui apporte des toiles et les lui laisse plusieurs jours pour qu’il puisse les observer. C’est un choc émotionnel pour Sam Francis.
C’est aussi à cette époque qu’il découvre les livres écrits par le grand psychanalyste Carl Gustav Jung, et qu’il commence ainsi ses études et recherches sur la « psyché » (L’âme-inconscient).
En 1947, il quitte l’hôpital pour une maison de convalescence de Carmel Valley. Il épouse son amis d’enfance Véra Miller.
1948-1950. Francis reprend des études à Berkeley, mais cette fois en art, et obtient un « master of art ». Il étudie l’histoire de l’art et la peinture.
Et découvre Clifford Still. Et suit pendant un temps son enseignement.
Clifford Still, est une des figures majeures de la première génération d’expressionnistes abstraits. Comme ses contemporains Pollock, Rothko, Newman et Motherwell, il travail sur des formes abstraites, sur des supports monumentaux, il développe une touche expressive. Still est un pionnier, car ses premières œuvres abstraites sont réalisées avant la deuxième guerre mondiale dès 1938. Clifford Still ne fait pas partie de l’école de New York, il reste distant avec le milieu de l’art. Ayant grandit sur la cote ouest, il y enseigne. Il devient un professeur influent à l’école d’art de Californie, située à San Francisco. Still a une manière de peindre très personnelle, jouant sur les épaisseurs et les matières, ses formes évoquent les concrétions minérales. Still a pendant les années trente fondé une colonie d’artistes : Nespelem art colony, où sont produit des portraits et paysages, de la réserve indienne de Colville.
« I never wanted color to be color. I never wanted texture to be texture, or images te become shapes. I wanted them all to fuse together into a living spirit » Clyfford Still
« It’s intolerable to be stopped by a frame’s edge. »
La découverte de L’œuvre de Clyfford Still est un moment charnière dans la vie de Sam Francis. Il est frappé par la densité matérielle et spirituelle de ces œuvres.
A la même époque il visite des expositions où il découvre le travail de Jackson Pollock, et Willem De Kooning.
Cette rencontre artistique lui donne, une « justification» artistique pour poursuivre ses propres recherches abstraites.
Sam Francis raconte alors faire des expositions de ses dessins dans des garages avec des amis, et les vendre pour 20 ou 50 cts. Il divorce de Véra Miller.
- Séjour à Paris
Une fois son diplôme obtenu à l’université de Berkeley il décide de partir pour Paris. Il part avec Muriel Goodwin, qu’il épouse.
Paris est alors reste la capitale mondiale de la peinture, et profitant des avantages du GI bill, Francis part pour l’Europe. En justifiant d’un inscription dans une école d’art il a une pension de 75$ par mois pendant deux ans.
Le GI Bill, ou servicement’s readjustment act, est une loi qui fut votée en 1944 permettant d’aider les soldats démobilisés, en finançant leurs études, ou une formation professionnelle, en assurant une années d’assurance chômage lors de leur retour à la vie civile, ainsi que permettant des emprunts a un taux d’intérêt très avantageux pour acheter un maison.
Sam Francis part donc pour Paris et s’inscrit à l’académie Fernand Léger. Il s’y inscrit surtout pour justifier d’une inscription dans une école d’art et bénéficier du GI bill. Ce passage à l’académie Fernand Léger n’est pas une expérience très positive. Il s’y rend une fois par semaine, mais dit ne rien y faire, il y va pour soumettre son travail à Fernand Léger et écouter ses critiques. Lorsque il lui montre ses peintures, celui ci lui dit : « eh bien je ne peux pas critiquer ça, C’est ce que c’est, Ca n’a rien a voir avec ce que nous enseignons ici. » En effet le travail très formel et très contrôlé d’un Fernand léger sur les contrastes de lignes et de couleurs, est très éloigné de la peinture plus instinctive, abstraite et spirituelle que réalise Sam Francis.
Malgré cet échec auprès de Fernand Léger, le séjour parisien sera très important pour Sam Francis pour sa rencontre avec la peinture française et les amitiés qu’il nouera en France.
Car c’est un choc émotionnel très fort que ressentira Sam Francis lors de ses visites dans les musées français, il y voit les œuvres phare de l’histoire de l’art, il souligne l’importance de sa confrontation avec les œuvres du Greco. En effet le Greco dans ses œuvres sombres et tourmentées peints des nuées qui apparaissent aux yeux du spectateurs du XXème siècle des morceaux de « peinture –peinture », qui entre en échos avec les œuvres de Clyfford Still.
Il découvre aussi les derniers tableaux de Monet : les Nymphéas. « La peinture française pleine de lumière et de couleurs, lumière-espace-couleur », il dira plus tard « j’ai fait du Monet tardif sous une forme pure ». Il y admire les couleurs qui semblent être en changement permanent. En effet, la monumentalité des Nymphéas, ainsi que leur l’espace particulier, qui n’est plus un espace en profondeur classique mais une espace bidimensionnel, ou se succèdes effets d’ombres et de lumière nous apparaît aujourd’hui comme une préfiguration du all over, et du color field. Il y admire une grande liberté, et ce sentiment que la peinture et faite par un aveugle. Le tableau serait un jaillissement des couleurs intérieures.
Cette recherche particulière de l’espace modelé par une couleur lumière est ce qu’il retrouvera dans la peinture de Bonnard et de Matisse.
Ce qu’il admire chez Matisse c’est l’épuration de la forme, la couleur-lumière et cet espace flottant, que Matisse appel « espace vibrant de la peinture ». Ainsi que l’influence de l’esthétique chinoise, la recherche de la « vie » dans le trait qui se doit être de la plus grande sincérité.
A Paris Sam Francis peint, ses premiers ateliers sont ses chambres d’hôtels, puis il partage une grande maison du coté de Meudon avec des amis, où il commence a peindre de plus grands formats, il aura plusieurs ateliers à Paris (rue Arago, rue Tiphaine) au cours des dix années qu’il passera en France. Ses journées sont consacrées à la peinture, il peint toute la journée s’octroie une pause vers 5 ou 6 heures pour rejoindre des amis au café, et retourne peindre le soir.
Ces longues heures de peinture lui permettent de développer ses recherches, il travail sur un fond blanc, y applique des taches de couleurs, cherchant ainsi à moduler l’espace et la lumière. Il commence alors à travailler sur des formats de plus en plus monumentaux. Sam Francis s’inscrit alors dans un courant qui émerge pendant ces années cinquante : la peinture informelle.
« Dans cette peinture, chaque artiste laisse toute liberté à l'imprévu des matières (goût pour la tache et l’accident) et à l'aléatoire du geste refusant le dessin et la maîtrise ainsi que la conception traditionnelle de la peinture et son cheminement qui mènent de l'idée à l'oeuvre finie, passant par les ébauches et les esquisses; c'est une oeuvre ouverte que le spectateur peut lire librement. L’aventure picturale est totalement neuve : au lieu de partir d'un sens pour construire des signes, l'artiste commence par la fabrication de signes et en donne ensuite le sens.
Caractéristiques plastiques : spontanéité du geste, emploi expressif de la matière, aucune idée préconçue, l'expérience du vécu fait naitre l'idée, l'oeuvre est le lieu et le moment privilégié où l'artiste se découvre, fin de la reproduction de l'objet pour la représentation du sujet qui devient la finalité de la peinture, aspect parfois calligraphique. »
En effet Sam Francis depuis son séjour à l’hôpital a développé un intérêt particulier pour les recherches et théories de Carl Gustav Jung. Ces recherches sur la psyché (l’âme) sont un des moteurs principaux des recherches de Francis. Par sa peinture il cherche à atteindre cet inconscient collectif décrit par Jung.
Carl Gustav Jung est pionnier de la « psychologie des profondeur », ce docteur en psychiatrie disciple de Freud, va convoquer l’ensemble de sciences humaines à la recherche de la « réalité de l’âme ». Jung étudie aussi bien l’anthropologie, l’alchimie, les mythologies et les religions. Il se consacre à l’étude des rêves, et va élaborer des théories et des concepts nouveaux : le concept d’archétype, d’inconscient collectif, et de synchronicité.
« Notre âme, comme notre corps, est composée d'éléments qui tous ont déjà existé dans la lignée des ancêtres. Le « nouveau » dans l'âme individuelle est une recombinaison, variée à l'infini, de composantes extrêmement anciennes »
Jung évoque quelque chose de plus profond que l’inconscient : l’inconscient collectif. Cet inconscient collectif affleure dans les mythes fondateurs. Les cérémonies initiatiques, et autres rites chamaniques qui existent dans de nombreuses cultures apparaissent comme un des moyens d’accès à cet inconscient collectif, l’autre étant le rêve. Jung a fait plusieurs voyages aux états unis, et eu plusieurs patients et disciples américains. La psychanalyse américaine est essentiellement fondée par des disciples de Jung. Ce qui explique pourquoi lorsque Sam Francis s’intéresse à la psychanalyse il est dirigé vers les ouvrages de Jung. Depuis son enfance Sam Francis revendique un intérêt pour le mysticisme, et ses études sur les œuvres de Jung, lui permettent de mieux comprendre la psyché et ses mécanismes.
Sam Francis, est lui aussi à la recherche d’une porte d’accès a cette part de la « psyché », et cherche à l’atteindre par le moyen de l’état mental dans le quel le plonge l’acte de peindre. Sam Francis dit faire une peinture de « recherche », « me comprendre moi même et en même temps le monde ». Il revendique une peinture instinctive, qu’il lui permettre d’accepter l’inconscient. Il manipule et applique les couleurs, superpose, laisse couler, ne fait pas de corrections ou de repentir, il observe, reprend et modifie. Il fait ses couleurs, à la fois pour obtenir exactement ce qu’il veut, mais aussi pour laisser une place à l’imprévu et au hasard.
Francis lit aussi le « Traité des couleurs » de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832), qui a une approche physiologique la couleur. Ainsi que des textes théosophiques anglais sur la thérapie par la couleur. Francis fait aussi références aux écrits de Matisse ou Fernand Léger, qui eux aussi définissent la couleur comme force et une force qui peut avoir des vertus thérapeutiques.
Francis développe pendant cette période une peinture de strates, de nombreuses couches de couleurs sont superposées laissant entrevoir un « au dessous », asseyant différentes combinaisons de couleurs. Ces couches de couleurs ne sont pas uniformes, mais se présentent comme une peau craquelée, une écorce laissant par ses interstices percevoir la couleur qui est en dessous. Ce jeu de superposition des couleurs mais en place une vibration colorée qui évoque Pierre Bonnard. Les couleurs entre en vibrations, créant une tension visuelle et émotionnelle.
Ces œuvres sont d’une grande densité, ne laissant pas ou peu de place au blanc, au vide à la respiration.
Ce travail montre par sa facture, coulures, jeux de transparences, une recherches qui n’est pas dans un contrôle parfait de la matière, mais une pratique qui impose un processus tout en laissant advenir l’inattendu, l’incontrôlable. La matière ne ce soumet pas entièrement à la volonté du peintre, il lui laisse cette par de liberté, qui pourrait être mis en parallèle avec les lectures et recherches que mène Francis autour de l’analyse Jungienne.
Parallèlement à son travail de peinture il entreprend des voyages, en Italie, à Londres, s’enrichissant de la découverte des collections européennes.
C’est aux cours de ces années parisiennes qu’il fait des rencontres importantes, des artistes, avec les quel il va nouer pour certains des amitiés comme avec le peintre canadien Riopelle, dont il admire l’énergie et l’intelligence, mais aussi des peintres français comme, Giacometti, Matthieu, Hantaï, Klein ou encore Bram van de Velde (dont il souligne la faiblesse dépressive). Et entre aussi en contact avec d’autres américains à Paris : Shirley Jaffe, Ellsworth Kelly, Joan Mitchell
Il fait également la rencontre de Georges Duthuit, Cette rencontre sera déterminante pour Sam Francis. Georges Duthuit est critique d’art, spécialiste de l’art Byzantin, ancien élève de Matthew Prichard, et également grand spécialiste de L’œuvre de Henri Matisse, dont il est le gendre ayant épouser la fille de Matisse, Marguerite dans les années 20.
Sa rencontre avec Georges Duthuit, lui permettra un accès privilégié à la culture française et à l’art. Sam Francis le décrit comme un « dandy baudelairien, excité ou déprimé» passionné de Matisse et d’art Byzantin. Même si Francis ne parviendra jamais a rencontrer Matisse, les quelques rendez vous pris furent annulés par Matisse pour des raisons de santé, grâce à Duthuit Il peut avoir un contact privilégier avec l’œuvre de Matisse, dont de nombreux tableaux se trouvent chez Georges Duthuit, et en particulier les premières expériences de composition en papier découpé. Il fera la rencontre de Marguerite, et de Amélie Matisse cette dernière lui achètera une grande toile.
Madame Matisse fut une des premières à acheter des tableaux de Sam Francis.
Rapidement Sam Francis va exposer, d’abord à Paris en 51 galerie du Dragon, puis également aux Etats Unis, à New York, où il rencontre l’artiste peintre japonaise Teruko Yokoï qu’il épouse.
La fin des années cinquante est marquée part de grands voyages autour du monde, qui le conduisent au Japon.
- La rencontre avec le Japon :
Pour Sam Francis la rencontre avec le Japon se fait bien avant son arrivée au japon. En effet il rencontre à Paris deux peintres Japonais, Domoto et Imaï, venus étudiés à Paris. Puis avec la rencontre de Teruko Yokoï à New York. (avec qui il aura une fille)
L’analyse de la peinture de Teruko Yokoï, nous montre une recherche de l’artiste sur l’équilibre de la composition, et l’utilisation du vide. Ses recherches esthétiques sont en droite ligne avec la tradition de la peinture japonaise et chinoise. A quel point Sam Francis fut influencé par la peinture de Teruko ? Il faut le souligner cette rencontre afin de mieux comprendre l’évolution de l’œuvre de Sam Francis.
La première rencontre que Francis fait avec le japon, est une rencontre avec des peintres japonais, ce n’est que dans un deuxième temps qu’il fait le voyage au Japon. C’est à la fin des années cinquante et au tout début des années soixante que l’on voit comment Sam Francis va intégrer ce rapport au vide, qui est essentiel dans l’esthétique extrême orientale.
Son voyage au Japon se fait à un moment où Sam Francis est dans une période d’insatisfaction personnelle. Par l’intermédiaire de ses amis peintres japonais, il bénéficie d’une invitation de Teshigahara. Avec Georges Mathieu et Miro.
Cette découverte du Japon est moment important, il a le sentiment de se « retrouver » Francis dit qu’il se sent « asiatique ». Il a une grande admiration pour l’art Japonais, et en particulier pour le grand peintre du XIV siècle Sesshu Toyo. Mais ne fera jamais d’initiation à la calligraphie.
Tout au long de ses voyages, il travail, sur toute sorte de supports et de formats, certaines formes émergents lors de certaines périodes, des formes récurrentes et obsessionnelles, « comme écrire un rêve ». Il parle d’une évidence, être au japon est pou lui loin d’être un hasard, il a un sentiment de destinée.
Il se rend à Hiroshima, ou il sera profondément frappé par la destruction instantanée de toute formes de vie, cette expérience renforce son sentiment du lien qui existe entre nous et l’univers.
Au japon il rencontre aussi les membres du groupe Gutaï,
Mouvement Gutaï : Le Gutaï, ou "Gutaï bijustu kyokai", c’est à dire "association d’art moderne" est un groupe d’artiste japonais formé en 1954 par Yoshihara Jiro. Jugé aujourd’hui comme l’un des groupes des plus important de l’avant-garde international des années 1950- 1960, les artistes "chercheurs" du Gutaï manifestent les prémices de l’art corporel, conceptuel, minimaliste ou happening. Le Gutaï exprime la volonté de rapprocher toutes les formes d’art contemporain pour produire un art expérimental en perpétuelle remise en question. Yoshihara Jiro défini ses travaux ainsi :"le but de l’art Gutaï est de créer la situation apte a cerner la beauté inconnue par tous les moyens envisagés sous tous les angles".
Les premières peintures où l’on ressent l’influence « japonais » sont réalisées au tournant de années cinquante, et tout particulièrement vers 1957. Ce qui les différencie des précédentes est essentiellement qu’il ne recouvre plus la totalité de la surface de la toile, et qu’il laisse de grandes zones de réserve. L’influence japonaise va donc dans un premier temps amener le blanc et le vide dans les toiles de Sam Francis. Mais ces toiles sont chargées d’une grande violence, la matière couleur semble être projetée sur la toile, les traces et giclures témoignent de la violence du geste. Ce sont des compositions très colorées, mais ou commence a dominer le bleu, qui sont chargée d’une grande tension émotive, tension ressentie par le spectateur à la fois par les traces, couleurs et éclaboussures que par les accords de couleurs qui pourrais apparaitre criards.
Cette tension, cette colère se ressent également dans certaines productions du groupe Gutaï, et peut aussi être mit en écho aussi bien avec la profonde blessure spirituelle qu’il ressent lors de sa visite d’Hiroshima.
Le début des années 60, est marquées par une rechute, Sam Francis passe plusieurs mois à l’hôpital de Berne, à nouveau par la tuberculose, qui cette fois touche ses reins. Il rentre en Californie pour s’y installer un « pied a terre » à Santa Monica.
Cette période, de la fin de son séjour européen est celle de l’invention des « Blue balls ».
Les « Blue balls » se caractérisent par une simplification extrême de sa peinture. Non seulement il réduit sa palette de couleurs, pour ne plus avoir qu’une seule couleur : le bleu, il jouera avec les effets de densité et de transparence pour recréer une déclinaisons de valeurs différentes du même bleu. Ce travail est aussi une épuration de la peinture, qui ne recouvre plus la totalité de la toile et laisse apparaître de grandes zones de réserves. Il crée un espace flottant, où circule l’air et l’énergie, laissant sa place au support, celui ci commence à pouvoir entrer en relation avec les formes et les couleurs, créant des compositions légères et dynamiques. Ces compositions sont beaucoup plus apaisées que celles de la fin années cinquante, si il y a encore des coulures, les gestes sont ronds, est apportent un sentiment plus paisible. Le vide apparaît dans la peinture de Sam Francis. En accédant au vide, Francis montre sa compréhension des enjeux esthétiques extrêmes orientaux.
« Suivant l’exemple des esthètes chinois, je ne peint pas les feuilles mais le vide entres les feuilles » h. Matisse
- Un « pied à terre » en Californie
C’est à partir début des années soixante que Sam Francis pose ses valises en Californie. Il va réaliser de nombreuses expositions personnelles en Europe, mais ces années sont surtout marquées par sa découverte de nouvelles techniques : l’estampe et la céramique.
La techniques de l’estampe, qu’il développera au court des années 70, fondant sa propre maison d’édition, lui permettet une autre approche de matériaux.
Il travail le cuivre et le bois, ou encore le caoutchouc. Il les taillent et les découpent, il s’en sert comme matrice pour réaliser des impressions à l’aide d’une presse hydraulique, sur des papiers artisanaux très épais. Il dit ainsi faire se fondre l’un dans l’autre matière et support, créant des « peintures instantanées », il y a dans ces techniques de l’estampes toujours un effets de surprise, il y a toujours quelque chose qui échappe au contrôle de l’artistes, ce qui explique pourquoi de nombreux artistes utilise ces techniques, qui permet d’ouvrir des variations et des possibilités nouvelles dans leurs moyens d’expression habituel. Et d’échapper à la « routine du geste » Il poursuivra ce travail particulier de l’estampe tout au long de sa vie.
Cette période est aussi celle des tableaux dans le ciel, ou à l’aide de petits avions qui propulsent des couleurs dans le ciel il fait des tableaux éphémères. L’oeuvre de Sam Francis est habité par cette thématique du vol.
Sorte d’Icare moderne, ayant subit un accident aérien il semble dans sa peinture chercher a retrouver cette symbiose avec le ciel. Par sa technique même de peintre, où ses toiles surdimensionnées se trouvent au sol, et il les observe perché en haut d’escabeau avant de plonger sur la toile et d’y répandre ses couleurs pour retourner sur son perchoir et contempler le ciel qu’il vient de créer sur terre.
C’est en 1964, qu’il rencontre Mako Idemitsu à New York, elle suit des études littéraires (elle souhaite devenir romancière), il l’épouse l’années suivante, ils auront deux fils.
Mako Idemistu est la fille de Sazo Idemitsu, figure importante de la grande industrie pétrolière japonaise et président d’une fondation d’art moderne, comprenant une importante collection d‘oeuvres de Sam Francis. Sazo Idemitsu très conservateur était contre le mariage de sa fille avec Sam Francis.
Francis réalisera une séries de toile : « Mako series ». Cet ensemble de toile est surprenant par la puissance émotionnelle déclenchée par une grande simplicité de moyens. Ces grands formats montrent un blanc immaculé, qui est magnifié par une bordure où chatoient les couleurs vives de sa palette. La force expressive de ses toiles apparait venir de la compréhension intime des principes du bouddhisme zen, mais qu’il a su réinterpréter et rendre personnel a travers ses moyens d’expression propre. Cette fine bordure de couleurs chatoyante, donnent au blanc une vie, une vibration permettant aux couleurs d’y résonnées en échos. Il est important de rappeler que Francis revendique la filiation avec la peinture de Henri Matisse, qui dès ses premières toiles fauves fait participer le blanc de la toiles a ses accords de couleurs, et qui dans des œuvres que la « jeune fille à la pelisse », met le blanc de la toile au cœur du tableau, la toile devient sujet même du tableau.
Mako Idemitsu, va devenir mère au foyer et épouse d’un peintre reconnu, ce qui la conduit vers une grave crise personnelle, ayant le sentiment de devoir s’oublier et faire abstraction d’elle même au profit de ses enfants et son mari, et donc de renoncer à ses propres aspirations artistiques. Elle va alors commencer une oeuvre de vidéaste, et va s’engager dans le mouvement féministe alors en pleine éclosion. En 1973 elle retourne passer un an au Japon avec Sam Francis, mais ne reviendra pas aux états unis, ils divorceront en 1980. Mako Idemitsu devient une artiste importante de la scène contemporaine internationale avec ses œuvres vidéo.
- Une œuvre moyen de développement spirituel.
Les années soixante-dix, vont voir le développement de la série « Mandala ». Le mandala est un digramme qui dans le bouddhisme tantrique est une aide à la concentration et à la méditation. Le bouddhisme tantrique a différents supports de méditation, la répétition des mantras, les cercles et diagrammes mandalas. Lors des cérémonies tantriques, l’esprit et le corps sont « préparés » par la répétition des mantras (le corps est l’esprit sont alors dans une sorte de transe hypnotique)
« Pour le psychanalyste, le mandala a pour fonction d'attirer intuitivement l'attention sur certains éléments spirituels, par la contemplation et la concentration. Jung pense que l'inconscient tourmenté peut générer spontanément des mandalas. Ces derniers symbolisent la descente et le mouvement de la psyché vers le noyau spirituel de l'être, vers le Soi, aboutissant à la réconciliation intérieure et à une nouvelle intégrité de l'être. Des représentations structurées selon une double symétrie (carré, cercle) peuvent apparaître dans les rêves, fantasmes, dessins etc. Il s'agit de mandalas spontanés qui, selon Carl Gustav Jung, représentent le soi, archétype de la totalité psychique. «
La série des « mandalas » dans l’œuvre de Sam Francis, est peut être celle où est le plus visiblement mit en rapports ses recherches plastiques et ses recherches spirituelles`. En effet Francis est depuis de longues années sur un chemin spirituels, empruntant des routes proches de l’ésotérisme. Dès son plus jeune âge il reconnaît sa fascination pour l’ésotérisme, et celle ci explique son intérêt pour Carl Gustav Jung, et ses recherches psychanalytiques, ainsi que pour Piotr Demianovich Ouspenski (1878-1947). Ouspenski est un intellectuel russe, qui va divulguer la pensée ésotérique de George Gurdjieff. Ouspenski fera des conférences en Russie, en Angleterre et aux états unis et certains ses livres son traduits en anglais. Sam Francis fut certainement particulièrement intéresser par le livre « the forth way » de Ouspenski, où ce dernier évoque une quatrième vois de développement spirituel, qui contrairement à la voie du fakir, qui essaye de contrôler le corps, à la voie du moine , qui cherche a contrôler les émotions, ou à la voie du Yogi qui cherche a contrôler l’esprit, trois voie qui exige un renoncement au monde, il y aurait une quatrième voie qui permettrait une recherche spirituelle sans pour autant renoncer au monde, qui serait la recherche de l’équilibre entre le corps, les émotions et l’esprit.
Pour Francis un des moyens d’attendre cette quatrième voie est la peinture, et le mandala dont la forme est utilisée pour la médiation dans le Bouddhisme tantrique semble être un des chemins à emprunter. L’acte de peindre étant une sorte de transe, qui plonge l’artiste dans une disponibilité de l’esprit lui permettant peut être d’atteindre cette quatrième voie.
Si on ne peut savoir quel est le chemin spirituel parcourus par Francis, ces œuvres sont la trace visible de cette recherche.
A la question pour qui peignez vous, il répond : « probablement Dieu. L’artiste est l’œil de dieu », il dit également : « je peins et je suis peint ». On voit ici que son œuvre semble être portées par une force qui le dépasse, force qu’il puise au demeurant au plus profond de lui même, peut dans cette inconscient collectif décrit par Jung.
La fascination pour l ‘ésotérisme de Francis se retrouve dans ses recherches sur l’alchimie, qui peuvent être misent en parallèle avec sa pratique artistique. En effet il fabrique lui même ses couleurs depuis ses premières peintures, et intègre dans ses peintures sont intérêt pour les éléments : AIR FEU TERRE EAU. L’air, par le fait de souffler sur la couleur, et laisser une trace dans la matière, Le feu : la lumière le blanc, la terre les pigments, l’eau les liant et les jeux de textures et fluidités de la peinture.
Cette recherche ésotérique est présente dans les notes du peintre, notes qui sont des listes de mots, de phrases comme des haïkus qui sont autant de titres de tableaux.
« Saint pierre, Girolles, Vers la disparition, Poussière verte, Tofu, Programme, Route d’échelle, Chaleur jaune, Rouge présent, Poussière rouge, Poussière jaune, Le pêcheur, Fil d’or, Souffre rouge, La terre Grasse, Iris, Pluie, Lac Joyeux, Auto agissant , Huit Temps, Chypres, Grand rouge, Neuf tombes, Réuni, Croyez ce que vous voyez, »ses quadrillages humain, vers le paradis de l’émotion, vers un trou noir, vivant dans mon cœur, Rayons sombres, engendrés, Fini, Sombre et rapide, Générale, spécifique, Dix Bouffées, Neuf Bouffée, Eau étincelante, Fontaine super sensuelle, Figures fermées, Trace de la poussière bleu, …. »
Après les Mandalas, son œuvre se poursuit avec les grilles. Si la formes s’éloigne du mandala, on retrouve cependant le principe d’une trame rythmique qui entre en tension avec une effervescence de couleurs soufflées, giclées, « libres ».Les effets sont produits par la présence sous jacente et encore visible même si elle est en négatif d’une structure qui organise l’informel des taches de couleurs.
Cette peinture informelle rassemblant des artistes français et américains, est a la fois liées à l’action painting, Jackson Pollock, Mais aussi à l’art brut, et au surréalisme, et l’ écriture automatique en particulier. Les artistes informels comme Sam Francis attachent une grande importance aux matériaux, mettant en avant la qualité propre de chacun d’entre eux. Cette peinture de la tache, va poser de nombreux problèmes aux critiques d’arts, car ils sont confronté a de la matière sans forme. Jusqu’ici la forme, le dessin et la trace de la pensée, mais a partir du moment où il n’y a plus de forme maitrisée nous sommes confronté a de l’émotion pure à du ressenti. De plus la matière est utilisée de manière à rendre compte de son élasticité de sa fluidité, c’est une matière en métamorphose. Il ne reste que la tache et le mouvement dont elle est la trace, tache comme trace de du geste et de la vie. Dimension vitaliste de la tache.
La tache n’est pas une nouvelle venue dans l’histoire de l’art, et depuis l’antiquité la tache est un motif de réflexion, Sextus Empiricus rapporte une anecdote à propos d'Apelle : ne parvenant pas à peindre l'écume d'un cheval, il aurait jeté de colère son éponge à pinceaux sur le tableau, esquissant ainsi l'écume souhaitée.
A la renaissance, Botticelli prétend, en référence aux anciens, avoir conçu un paysage à partir d’une tache. Au XVIIIème siècle l’artiste Alexandre Cozens écrit un traité sur « l’art de la tache ». Et au XIX siècle un des jeux de société appréciés, évoqué par Victor Hugo était de transformer des taches en dessins.
« Dès avant l'exil, le poète se livre à de vastes compositions de taches. En cette première moitié du XIXe siècle, faire des taches puis les utiliser pour faire naître un dessin était aussi un jeu de société auquel avaient sacrifié d'autres auteurs comme Chateaubriand : il existe des taches d'encre redessinées par celui-ci, lors de son séjour chez la reine Hortense en compagnie de Mme Récamier, en 1832. Valérie Masuyer, darne d'honneur de la reine, avait noté : "Taches d'encre faites par M. de Chateaubriand lors de son séjour à Wolsberg en août 1832. L'une représente un cheval arabe et l'autre un ermitage." Et ajouté : "De la meilleure grâce du monde, il consentit même à se prêter à notre grande fantaisie de la mode actuelle des "taches d'encre". Élisa de Périgny, Claire Parquin et moi en avons toutes réclamé. Il les faisait d'ailleurs avec autant d'amabilité que de rapidité." Victor Hugo, lui aussi, en offre. »
Ce qui séduit alors c’est le plaisir de la « reconnaissance », et la tache est comme un point de départ à la rêverie, qui conduit l’imagination a recréé une image. La tache parait alors un moyen d’atteindre l’inconscient, puis que notre imaginaire est guidé par ce dernier. Mais ici la tache redevient forme, et prend sens par la volonté de l’artiste.
Au XXème siècle la peinture d’avant garde va libérer la couleur, et va construire le tableau par taches de couleurs. La tache devient un des moyens plastiques privilégiés par le peintre. Monet devenant l’exemple du peintre qui fait de diluer la forme dans un ensemble de taches de couleurs.
Ce goût pour la tache est aussi présent dans l’esthétique chinoise, « les pierres de rêves », tranches minérales où se développent des veines colorées deviennent grâce à l’œil du spectateur des nuages devant une montagne…
Ce qui pose ici un des problèmes de l’abstraction lyrique, celui de la perception du spectateur qui en regardant une œuvre de Pollock, peut comme le chinois contemplant la pierre de rêve laisser aller son imagination et recomposer des figures. Cette démarche est justement celle de Pollock, qui tel un chaman, se laisse guider par l’imagination pour atteindre les esprits qui prennent corps dans les méandres de couleurs ; nous sommes ici très proche de la démarche surréaliste de l’écriture/dessin automatique.
Le XXème siècle en libérant la couleur libère la tache, désolidarisant la couleur du dessin pour permettre à cette dernière une expression maximum.
Jusqu'à sa mort Sam Francis restera toujours un artiste solitaire, suivant une voie très personnelle, n’appartenant à aucune école, aucun courant. En effet si on peut dire qu’il est dans la ligne de « color Fields » américains, sa peinture est pourtant plus proche de la peinture française, et la libération de la couleur expressive mit en place par Monnet, Gauguin, Matisse, Bonnard.
Il recevra des commandes publiques, comme le plafond du hall d’entrée du théâtre de la Monnaie à Bruxelles. Et Il fera de nombreuses expositions à travers le monde jusqu'à sa mort.
« Les peintures sont seulement des suggestions pour que les gens s’en servent. La plus belle définition de l’art que je connaisse est celle de Shakespeare dans l’épilogue de Prospéro, à la fin de la « tempête ». Il a à voir avec la signification de ce que l’oeuvre d’art est vraiment, il dit comment l’artiste doit l’abandonnée, abandonner son art, abandonner sa magie, abandonner tout et laisser le public ou la personne qui arrive par hasard, celle qui se trouve passer par là achever l’œuvre a sa place.»
Morris Louis (Morris Louis Bernstein
Baltimore 28 novembre 1912- 7 septembre 1962
Il important de rappeler l’importance qu’aura la peinture américaine des années cinquante sur la jeune génération de peintres français des années 60-70. Les artistes de support surface reprenant a leur compte les avancées américaines inspirées des dernières années de Matisse.
Morris était visible dans les grands musées européens sauf en France, ce n’est en 1987 qu’une œuvre de Louis est achetée par un musée français. La première exposition rétrospective française aura lieu en 1996.
Il grandit à Baltimore dans le Maryland, sa famille est de la classe moyenne, mais c’est contre la volonté de ses parents qui souhaitaient qu’il fasse des études de médecine qu’il s’inscrit dans une école d’art.
1927 Bénéficiant d’un bourse, il fait ses études à « institut of fine and applied arts « du Maryland.
1932 Cependant il quitte l’école (avant la fin du cursus) ?, devant subvenir a ses besoins il fait de nombreux petits boulots tout en continuant la peinture.
Ses premières œuvres sont directement inspirées du cubisme.
En 1935 il est le président de l’association des artistes de Baltimore.
De 1936 à 1940 il est a New York et travail dans la division « peinture de chevalet » du « Administration Federal art Project » où il rencontre Arshille Gorky, David Alfaro, Siqueiros, Jack Tworkov ; C’est ace moment qu’il prend le nom de Morris Louis
Le Federal Art Project (FAP) est le projet concernant les arts visuels, développé aux États-Unis dans le cadre de la Works Progress Administration du New Deal pendant la Grande Dépression afin de stimuler la création d'emplois dans le monde de l'art. Il a fonctionné du 29 août 1935 au 30 juin 1943. Crédité d'au moins 200 000 œuvres distinctes, les artistes du FAP ont principalement créé des affiches, des peintures murales et des peintures. Certaines œuvres figurent encore parmi les plus significatives de l'art public dans ce pays1.
Le programme ne fait aucune distinction entre arts figuratif et non figuratif. L'abstraction n'ayant pas encore gagné la faveur du public dans les années 1930 et 1940, il était pratiquement invendable. C'est pourquoi le programme a soutenu des artistes emblématiques comme Jackson Pollock, avant que leurs œuvres puissent être une source de revenus2.
Les principaux objectifs du FAP étaient d'employer des artistes désœuvrés et de fournir des œuvres d'art pour les bâtiments publics non fédéraux tels que les écoles, les hôpitaux, les bibliothèques, etc. Le travail a été divisé en production artistique, enseignement des arts et recherche en art. Le principal résultat du groupe de recherche en art a été l'Index of American Design, une étude exhaustive de la culture matérielle américaine.
Le FAP a été l'une des séries de plus courte durée des programmes d'arts plastiques à l’époque de la Grande dépression, qui comprenaient également la Section of Painting and Sculpture et les Public Works of Art Project (lesquels, contrairement à la FAP exploités par la WPA, étaient exploités par le Département du Trésor des États-Unis).
En 1940 (43 ?)Il retourne à Baltimore où il commence à enseigner en privée.
1947. épouse Marcelle Siegel, s’installe dans la banlieue de Baltimore. Sa peinture devient alors plus abstraite inspirées de l’oeuvre de Joan Miro. Louis visite une rétrospective Miro en 1941, et Miro fait un voyage aux Us en 1947, qui sera relayé par de nombreux articles. Morris a alors une œuvre lyrique, largement inspiré de la nature, aux influences nettement surréalistes.
L’influence surréaliste se situe essentiellement dans la recherche d’une écriture automatique, et de s’appuyé sur des effets produits par le hasard.
Louis semble inhibé par la conscience de tout ce qui a été réalisé avant lui. Il cherche à se libérer de ses influences, tout en sachant que c’est impossible.
« La tradition pour un peintre est un fardeau insupportable. Si vous gardez à l’esprit les grandes œuvres d’art du passé et les prenez comme étalon vous entraverez inévitablement »
Mais il cherche a apprendre des échecs des autres : « Je ne m’intéresses guère aux réussites des autres ni aux miennes par ce que ce sont des aboutissements. Je regarde les tableaux en cherchant leurs défauts. Ce qui n’y est pas est utile seulement parce que cela permet les essais suivants. De ce point de vue les succès de Pollock ou de n’importe qui d’autre ont peu de sens pour moi et je reconnais ma dette à l’égard de mauvais tableaux du moment qu’ils ne sont pas banals. »
Louis recommande a ses étudiant de regardez les oeuvres de Pollock pour comprendre le problème de l’espace et de Matisse pour comprendre le problème de la couleur.
1948 un des premier a utiliser la peinture Magna : une peinture acrylique spécialement fabriquée pour lui par ses amis Leonard Bocour et Sam Golden fabriquant de peinture.
Son style évolue vers l’expressionnisme abstrait, inspiré de Pollock. A ce moment son travail est montré dans différentes expositions, il commence être reconnu par ses pairs.
1952, il s’installe à Washington DC. Il a poste d’enseignant au Washington Workshop center of the Arts. Cette exposition montre comment Morris Louis essaye de trouver sa propre voie en se plaçant dans la lignée de l’école de New York.
Il fera alors du dripping, élaborant une œuvre sombre son œuvre est alors chargée d’éléments symboliques évoquant les récents évènements : le génocide des juifs.
Il fera aussi de collage, en cf. à l’œuvre de Robert Motherwell.’Mallarmé’s swan)
Sa situation géographique, fait qu’il est à l’écart de la scène New Yorkaise, et travail de manière très isolée. Ce qui peut expliqué le constant décalage qu’il y a entre ses œuvres et l’avant garde new Yorkaise.
Il fait cependant la rencontre de Kenneth Noland qui deviendra un de ses proches amis.
Ensemble ils développeront le « color field painting ».
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Cependant, il fait parti d’un petit groupe d’artistes qui seront des figures importantes du développement du « color field » : Kenneth Noland, Gene Davis, Tom Downing, Howard Mehring, Ann Truitt. Que l’on connaît mieux sous l’appellation de Washington Color school » : dans la lignes des premiers colorfields, Pollock, Newmann, Rothko, Still, Motherwell, et Reinhardt. Mais ils éliminent le geste, privilégient de larges zones de réserves, de grands a plats de couleurs, utilisant la couleur pour ses possibilités expressives. Une des séries les plus importante de Morris Louis est : Unfurleds.
Cette génération d’artiste, pose les problèmes plastiques suivant ; l’espace du tableau et la planéité,
Samedi avril 1953, Morris Louis et Kenneth Noland rendent visite a Helen Frankenthaler dans son atelier New Yorkais. C’est le critique d’art Clement Greenberg qui invite Noland et Louis à rendre visite à Helen Frankenthaler.
Ils y découvrent son tableau « Mountains and sea. » 2,20x3m. Ils passent plus de cinq heures dans son atelier, elle travail sur une toile non apprêtée, posée a plat sur le sol, et y verse la peinture très liquide. Inspirée par Jackson Pollock.
Les œuvres de Helen Frankenthaler va remettre en question leur travail, et a leur à Washington, ils aborderons la peinture autrement : la peinture, devient teinture.
Il abandonne alors définitivement la peinture de chevalet. Cette révélation, lui montre : « pont entre Pollock et ce qui était possible ».
Il faut souligner la rupture qui s’opère alors dans l’œuvre de Morris Louis.
Helen Frankenthaler est un peintre Newyorkais, proche du critique d’art américain Clement Greenberg, qui est un critique d’art américain, qui défend les l’expressionnistes abstraits comme Pollock, De Kooning, Newman, ou Still. Il souligne l’importance de ses œuvres de grands formats, où se développent : le « all over » et la revendication de la bi dimensionnalité de la toile. Greenberg souligne le fait que New York est devenu le centre artistique mondial après la deuxième guerre mondiale. En 1956 une exposition marque l’histoire de la peinture expressionniste abstraite l’exposition « Painters Elven » avec l’association American Abstract Artist. Clément Greenberg sera un des plus célèbre critique d’art du XXème siècle, qui défend la dimension formelle de l’art moderne.
Cette rencontre avec la peinture d’Helen Frankenthaler fut déterminante dans l’œuvre de Morris Louis. Il a 44 ans et décide de rejeter tout le travail alors accompli et de rechercher une nouvelle manière de peindre.
Il a alors la révélation que peinture « moderne » consiste en une expérience :
A son retour de New York il va avec Kenneth Noland faire de nombreuses expériences techniques. Ces moments d’expérimentation seront comparés à des « jam sessions ». Mais ce n’est que dans la solitude de son atelier qu’il trouvera ce qui apparaît comme la solution.
Ce qui satisfera le plus Morris Louis est l’utilisation d’une peinture très diluée, qu’il laisse coulée sur une toile non préparé et non tendue, de manière a laisser couler ma peinture sur la surface inclinée de la toile formant de long voile de couleurs translucides. Ainsi il élimine totalement la trace du pinceau sur la toile, jouant sur la subtilité des rapports de couleurs et la superposition de ces « voiles » de couleurs.
Morris Louis utilise la peinture comme une teinture, la peinture s’incrustant dans le support, n’est plus une couleur à la surface. La couleur en lavis, se superpose, faisant des jeux de transparences. Cette technique rassemble quelques artistes, sous l’appellation « stained color fields »
Cette technique permettra à Morris louis d’évacuer le geste, « la petite danse du pinceau » H. Matisse.
Et ainsi il s’oppose à l’expressionnisme abstrait où l’expression se fait par le geste de l’artiste sur la toile. Dans un premier temps il même reprend des effets est techniques caractéristiques de l’expressionnisme abstrait, travailler sur une toile non tendue au sol, recouper et recomposées la toile. Et une mise en oeuvre des moyens plastiques qu’il jugera lui même excessifs ce qui explique pourquoi la majorité des toiles produites entre 54 et 57 seront détruites. La personnalité toute en réserve de Louis à du mal à s’accommoder du lâché prise qui caractérise l’expressionnisme abstrait : « ceux dot le dada est de promouvoir une peinture qui vient du ventre de l’orgasme ou de la bouche » M. Louis lettre à Clement Greenberg 1954
Cette attitude le place a par et en marge du courant expressionniste abstrait, pour le positionner // Rothko et Newman.
Il travail et expérimente en réinterprétant et digérant l’œuvre de trop artistes important pour lui : Monet, Bonnard, et Matisse. Il connaît très bien ces trois artistes présents dans la collection Cone de Baltimore. A la national Gallery de Washington, et au Moma de New York.
- La toile treillis, inspiré de la vigne vierge de son jardin, est une réinterprétation de l’impressionnisme, revisité par l’expressionnisme abstrait
1955, et 57 exposition de Nymphéa de Monet aux US.
- N°1 : Louis en référence aux impressionnistes propose ici une équivalence de la nature. Cette toile apparaît comme un tableau expressionniste de deuxième génération.
Plus aucune allusion n’a un espace illusionniste, L’espace se fait dans la couleur.
Mais Morris Louis détruira de nombreuses peintures entre 1955 et 1957 avant d’enfin obtenir des œuvres qui vont le satisfaire. 300 tableaux détruits). Ces destructions démontrent la très grande exigence qu’à Morris Louis par rapport a son travail. Et sa recherche de perfection. Morris Louis est une personnalité secrète, pour qui l’implication dans son œuvre est totale. Très réserve il ne parle pas de sa peinture, ce qui explique que l’on sache très peu de chose a son propos.
Son travail est marqué par la « prévalence de la couleur ». Les couleurs sont différenciées et comme porteuse d’une émotion et d’une identité propre qui viennent de rencontrées sur la toile.
Dominique Fourcade : « tout changement de la peinture, toute avancée de la peinture impliquait désormais un changement de la technique de la peinture »
En effet Louis fera de nombreuses innovations techniques dans sa peinture, cependant, le secret qui entoure l’atelier de Morris Louis ne permet pas d’en connaître tous les détails. Ce qui est certain est qu’il crée ses tableaux par « teinture », la couleur est versées sur la toile, il la dirige en l’inclinant et en guidant le flux de couleur, il peut développer cette technique car il utilise depuis 48 l’acrylique Magna, qu’ il dilue 1/30. Cette peinture a pour propriété de mieux s’incrustée dans les fibres de la toile.la couleur est devenue une matière élastique et fluide, qui de déploie guidées par l’inclinaison que le peintre imprime à la toile non tendue.
Kenneth Noland : « La question qui nous préoccupait, était de savoir quel pouvait être le sujet de l’art : nous ne voulions rien de symbolique comme par exemple Gottlieb, ni de géométrique au sens dépassé où Albers entendait ce terme. Les expressionnistes abstraits peignait l’apparence ou le symbole d’une action, ils donnaient a voir un geste : nous voulions que l’apparence fut le résultat du procédé qui l’avait créée-elle ne devait pas ressembler a un geste mais incarner une vraie manipulation. »
Il se caractérise par une grande ambition artistique, inhibé par un sentiment profond d’incapacité.il recherche l’approbation et la reconnaissance, ce qui explique l’importance qu’il donne à l’avis du critique Clément Greenberg. Mais aussi la grande déception qu’il a du ressentir, lorsqu’il présente ses premiers essais à Pierre Matisse qui reste très indifférents a ce qui est proposé.
On remarque que comme Monet Louis travail par série travaillant à exploiter toutes les variations possible d’un même sujet.
Veils : première série proche de Monet.
Deuxième série, se détache plus de Monet : 1958-59 : la couleur remplie la toile. Il recommence une nouvelle série et décide de donner une seule direction à ses coulures, variant les effets, immenses coulures verticales, cette série où la peinture vient teindre la toile est pour Clement Greenberg le moment où Louis atteint cette fusion entre le fond et la forme tant recherchée. Cependant il faut reconnaître que Morris Louis met en place une ambiguïté spatiale, la superposition des couleurs apparaissent comme une successions de plans, et donnant un sentiment de profondeur. Mais une recherche de lumière, il s’inscrit ainsi dans la grande famille des luministes de Rembrandt a Turner en Passant par Bonnard et Matisse.
Louis reconnaît aussi l’influence de Clifford Still.
Cette série est exposée en 59 à la galerie French & company, sera moment de reconnaissance, où Louis a enfin le sentiment de plus être un suiveur mais de proposer quelque chose de vraiment authentiquement personnel et nouveau.
On remarque quand dans la série des veils, les couleurs, sont de plus en plus éclatantes, et les moyens se simplifient, privilégiant de large zones de réserves permettant la vibration de la couleur., ce qui aura une forte influence sur les artistes minimalistes comme Franck Stella.
Dans son article « post –painterly abstraction » Clement Greenberg, souligne son intérêt pour un groupe d’artistes, qui abandonnent le sujet, les caractéristiques de la touche, pour mettre en place des procédés plus « purs » : révéler la vérité de la toile, et sa bi dimensionnalité, avec d’un coté les « hard edged painters » : Ellsworth Kelly et Franck Stella, et le « Color Field painters » : Helen Frankenthaler et Morris Louis. Ils éliminent la trace du pinceau, utilisant la peinture comme matière fluide venant former sur la toile de larges aplats de couleurs aux formes mouvantes. Morris Louis reconnu par Greenberg comme un des chefs de file du Color Field.
Pour Greenberg, Morris Louis rend à la peinture sa spécificité : la sensation optique. D’autres critiques comme Michael Freid, font de Louis un des « réconciliateur du dessin et de la couleur « à l’instar de Matisse et de ses papiers découpés.
Florals & Columns : 1960 on sait très peu de chose sur les moyens exacts que déploie Morris Louis, en effet il travail seul, en secret et n’a laisser aucune note sur les moyens utilisés pour manipuler la toile au moment la couleur est versée.
Nous savons cependant qu’il change de toile et choisi une toile au tissage plus serré, et utilise un Magna pré dilué qui lui est fourni par son ami Bocour.
Séries Oméga et Japonese banners
Il recherches des effets d’espaces, centrifuges, éclatés, et joue sur le hors champs pour amplifié l’espace du tableau déjà monumental.
Unfurleds : 1960-61 filets de couleurs laissant la toile vierge au centre.
Une des série la plus importante de Morris Louis : cette série se caractérise par ses très grands formats, des formats qui ne lui permettait de voir l’ensemble qu’une fois sortie de son petit atelier. Son atelier fait 4x4 m. Le processus ne lui permet donc pas d’avoir une vu d’ensemble, et ce n’est qu’une fois la toile montée sur châssis que Morris Louis peut encore faire un recadrage de l’ensemble. De nombreuses toiles n’ont pas été montées et redimensionnées par l’artiste, œuvres laissées inachevées.
Ces œuvres sont minutieusement préparées à l’avance. Si la toile réalisée ne correspond pas à ce qu’il souhaitait faire elle était systématiquement détruite.
Louis met un place une méthode expérimentale, ce qui explique les nombreux « déchets ».
Série Aleph – plein-vide, espace coloré, limite et non limite. Couvrir recouvrir, perplexité devant la limite du tableau : utilisation du hors champ comme démultiplicateur de l’espace.
Une autre figure de référence majeure pour Morris Louis est Henri Matisse. Henri Matisse va lui aussi dans certaines de ses œuvres donner une grande liberté à la couleur, liberté d’expression aussi liberté de couler sur la toile.
Le rifain assis, les trois sœurs, les plumes blanches, tableaux exposées dans les collections américaine. En particulier les plumes blanches, qui est un tableau étudié par Clement Greenberg dans un texte de 1953, qui voit dans ces plumes une grande liberté de la peinture pour elle même. « La quantité de couleur est sa qualité » disait Henri Matisse. Matisse utilise les couleurs dans leur possibilité d’expansion spatiale.
Une grande rétrospective Matisse a lieu en 1951 au MOMA de New York, expo que va visiter Morris Louis, il dira à ses élèves « étudiez Matisse pour comprendre la couleur »
Ce n’est que tardivement que Morris Louis parviendra a lui aussi donner à la couleur sa pleine liberté. Comme Matisse il exploite la possibilité des zones de réserves pour illuminer ses couleurs, et permettre leur développement dans l’espace, sans oublier les contrastes de couleurs qu’il exploite dans ses grandes compositions et qui rappel les accord que met en place Matisse dans ses tableaux fauves.
Morris Louis va démultiplier le sentiment d’espace recherche, en travail sur de très grands formats. La monumentalité du format a une importance sur la lecture de l’œuvre par le spectateur, qui est confronté au tableau dans un corps a corps. De plus le regard ne pouvant lire l’ensemble des éléments oblige le spectateur à recomposer mentalement l’ensemble des éléments et d’une certaine manière se perdre dans la toile.
On retrouve ici un effet que va aussi créer Matisse avec ses tableaux fenêtre.
Fenêtre a Tahiti II
Rideau égyptien
Matisse souhaite mettre le spectateur dans le même espace que celui du tableau, Louis lui aussi à sa manière. De cette manière c’est au corps tout entier qu’il s’adresse.
Ainsi Morris Louis se place en faisant référence à Monet, Matisse et Bonnard à la peinture française dit « décorative »,
Stripes, Pillars 1961-62 ces format sont plus étroits, et montre une démarche plus systématique et plus contrôlée.
Michel Fried : « c’est comme si la peinture s ‘exprimait elle même à travers le peintre ; pas du tout comme si celui ci s’exprimait à travers son matériau ». Louis par sa technique libère la couleur du peintre et permet à celle ci de s’exprimer librement hors de la contrainte du l’outil du peintre et du geste du peintre.
Ces œuvres sont de très grands formats, et sont des séries.
Il caractéristique peu commune du peintre, et longuement réfléchir et remettre en question le sens d’accrochage de ses œuvres. Si il décide d’un sens d’accrochage, c’est avec le regret d’avoir fait un choix, car d’autre possibilités semblent alors se fermés. Louis s’adapte à chaque toile, qui est un cas particulier, mais ses choix peuvent être influencé par des critiques et amis.
Si Louis signe ses toile, c’est pour les authentifiées et non pour leur donner un sens de lecture. Ses toiles « réalisées au rouleau », sont découpées par l’artiste « cropping » comme le faisait déjà Jackson Pollock.
A sa mort, il laisse de nombreuses œuvres non coupées, non cadrées et dont on ne saura jamais quelle était le sens de lecture qu’aurait privilégier l’artiste. En effet, le sens était choisi de façon purement intuitive et non argumenté.
Il en est un peu de même pour les titres, souvent il choisissait un titre dans une liste fournie par Clément Greenberg.
Depuis Pollock et le fait de travailler au sol, le tableau n’est plus conçu par l’artiste dans sa frontalité, et ce n’est qu’une fois achevé qu’il se redresse, la toile ayant était travaillées de tous les cotés, elle n’a pas de sens, et de ce fait lorsque le toile est placée à la verticale les éléments semblent flotter dans l’espace du tableau, ce qui leur donne une légèreté toute particulière. Mais Louis ne travail pas directement au sol, puisqu’il utilise la malléabilité de la toile non tendue pour donner des orientations a ses coulures de peintures, et si il accepte dans un première expo a montrer ses tableau « a l’envers » c’est pour que s’opère une distinction entre le tableau et le processus utiliser pour le réalisé. Et ainsi une coulure peut être vue comme une giclure.
De plus comme il n’y a pas de sujet dans ses tableaux, l’idée d’un sens obligé de lecture est très réducteur. Ceci nous rappel la célèbre anecdote où Kandinsky voit un de ses tableaux figuratif à l’envers et découvre ainsi la peinture abstraite !
Ceci explique la difficulté de choisir un sens aux tableaux de Morris Louis, cependant Diane Upright qui réalise le catalogue raisonné de Morris Louis essaye d’unifier les sens d’accrochage se basant sur des sens voulu par l’artistes dans certaines expositions, en ce qui concerne les toiles tendues de manières posthumes, ou pour celles sur les quelles il n’y a aucunes indications d’accrochage, la volonté de Diane Upright de choisir un sens plutôt qu’un autre apparaît trop réducteur.
Exemple : atomic crest, iris, saraband (le marchand W. Rubin y voit des silhouettes dansantes),
On se rend compte que choix de placer un tableau dans un sans ou un autre dépend non seulement de la culture de celui qui fait le choix, mais aussi de sa compréhension personnelle de l’œuvre de Louis et du désir de le placer dans une filiation ou dans une autre.
C’est à la fin des années cinquante que se travail sera reconnu, et montré dans de grandes expositions. Le soutient du critique Clement Greenberg, permettra de placer l’œuvre de Morris Louis parmi les étapes importante du Color Field.
Ce n’est que très rarement que Morris Louis titre ses œuvres, Les titres donnés à ses œuvres sont des lettres grecque ou hébreu et des chiffre, Ont été donnés après sa mort, par les responsables de la succession, en Particulier Clement Greenberg, qui essaye de garder les mêmes caractéristiques dans le montage des œuvres. Une des raisons de la lecture essentiellement formaliste de l’œuvre de Morris Louis, est l’implication du critique Clement Greenberg, qui d’une certaine manière monopolise l’œuvre de Louis et laisse peu de place à une autre lecture. Greenberg aura une place déterminante dans l’évolution de l’œuvre de Louis, son soutient indéfectible, ainsi que ses conseils (importante correspondance) montre l’influence déterminante de son regard sur l’œuvre de Louis.
D’autre personnalité auront aussi une place importante dans l’évolution de l’œuvre de Louis comme William Rubin, conservateur du MOMA, New York, il « baptisera certaine toile, et imposera des sens d’accrochage pour certaine œuvres. Ou encore Michael Fried ancien élève de Greenberg, et commissaire de la première rétrospective Louis en 1967.
1962 Morris Louis meurt d’un cancer des poumons en septembre 1962. On suppose que sont cancer et du a une trop grande exposition aux vapeurs de peinture acrylique.
Au court de cette courte période de huit années où il développe son style et sa technique, il produira plus de 600 œuvres. Seule une petite centaine ont été montrée au public, ce qui explique son influence limitée.
Cependant, de manière posthume sa position dans l’histoire du Color Field a été renforcée grâce a une exposition en 1965 rassemblant des œuvres des peintres de la « Washington color school. »
Puis dans les années 80, suite aux grandes expositions américaines.
Morris Louis sera celui qui jette en pont entre l’expressionnisme abstrait et les Color Field, en effet, même si ses moyens sont apparaissent plus proches du minimalisme, il y a chez Morris Louis, un dimension spirituelle, et romantique, qui le relie aux expressionnistes abstrait, cependant on verra aussi dans son œuvres des signes précurseurs du minimalisme. Ce qui nous amène à dire que son œuvre apparaît comme un moment charnière entre l’expressionnisme abstrait des années cinquante et le minimalisme des années soixante.
Cependant l’œuvre de Louis est mise au purgatoire dans les années 70, où lui est reproché la voluptuosité de ses couleurs, puis dans les années 80 d’être trop lyrique, trop « Joli ».
Bibliographie :
Sam Francis, peintures récentes, catalogue expo centre Georges Pompidou 1978
Sam Francis, catalogue exposition centre d’art contemporain midi Pyrénées Toulouse Labège1992.
Entretiens avec Sam Francis, Yves Michaud tome I&II, 1985,1988 Edition galerie Jean Fournier
Catalogue expo Morris Louis Musée de Grenoble 1996
Florence de Mèredieu, histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne, Bordas cultures
Articles :
Art story foundation, article Morris Louis