De Stijl : Le style ! (1ère partie)
- Une revue : Octobre 1917-mars 1931
- Un groupe : les fondateurs hollandais Piet Mondrian, Vilmos Huzàr, Jan Wills, Robert Van’t Hoff, Georges Vantongerloo, Antony Kok, Van Doesburg, puis d’autre qui rejoignent le groupe, comme Bart van der Leck, Gerrit Rietveld, JJP Oud…
Bien que hollandais la majorité de ces artistes ont longuement vécu en France, et leur travaux exposés en France auront des répercutions importante sur les générations d’artistes français et américains.
- Une idée : Le Style. L’idée que l’art -réduit à un vocabulaire plastique simple et épuré- introduit dans la vie, apporterait d’une révolution sociale. Qui débouche sur une esthétique qui englobe tous les arts. Le style devient ainsi une norme esthétique, qui comprend en lui même une conception sociale. Qui de plus correspond à un monde en plein essor industriel. Où modernité et fonctionnalité deviennent synonymes.
« L’instauration d’un harmonie universelle par le biais de l’intégration complète de tous les arts au sein d’un nouvel environnement utopique « Marek Wieczorek
Les références :
De nombreux artistes au début du XXème siècle sont à la recherche de moyens qui permettraient de dépasser la perception subjective du monde, et de trouver son essence universelle afin de la transmettre par la peinture. Cette recherche est de plus orienté vers un désir de comprendre les forces qui régissent notre univers, comme le propose la théosophie largement diffusée par madame Blavatsky. L’art devient à la fois une quête philosophique et spirituelle de compréhension du monde et de l’univers. Et ce dans le but d’atteindre l’harmonie universelle.
La pensée de Van Doesburg et de Mondrian, est largement influencée par la philosophie de Spinoza et la théosophie, (largement inspiré de l’hindouisme). La loge Vâhana crée en 1896, assemblée réservée aux artistes au sein de la société théosophique, (Plusieurs centaines de membres) où ils élaborent une conception du monde selon un ordre géométrique universel, mais également tout une grammaires de formes et couleurs qui permettent d’exprimer l’intuition d’un univers en expansion. (Les premières recherches de Vantongerloo et van Doesburg).
Différentes personnalités comme Rudolf Steiner, ou J.L.M. Lauweriks font des conférences et écrivent des articles développant cette idée de géométrie universelle, mais aussi que « la ligne, la couleur, et les systèmes de proportion mathématiques révèle le concept théosophique d’évolution » Lauweriks.
J.L.M. Lauweriks (1864-1932) professeur à l’école des arts décoratifs de Haarlem, puis travail comme architecte. Il adhère à la société théosophique. Professeur à l’académie des beaux arts de Düsseldorf, ami de Peter Behrens, théorise des rapports de proportion et une géométrie appliquée a l’architecture. Il rentre en hollande en 1916, directeur de l’école Quellinus à Amsterdam, il rencontre Mondrian dans une colonie d’artiste (Hohenhagen), qu’il influencera profondément.
Un lien formel évident uni cette architecture aux travaux de J.P. Oud.
Autres sources d’inspiration : La philosophie de M.H.J. Schoenmaekers (1875-1940 ?).
Philosophe de formation, il est ordonné prêtre en 1899. Il rompt ses vœux en 1904, et adhère à la société théosophique. Il édite un journal anarchiste.
Les principes clé qui régissent sa philosophie, sont.
- l’idée de forces rayonnante dans la nature : « substrat énergétique du monde matériel ». Il donne des couleurs à ces forces. (couleurs primaires)
- La nature étant constituée de formes premières que l’on retrouve dans le microcosme comme dans le macrocosme, et que ces formes sont soumises a des forces d’expansion et de limitation. (rappel les recherches de Einstein qui aboutiront a description d’un espace temps courbe, et non plus euclidien).
Le plan, devient le lieu de cristallisation de ces énergie, le plan du tableau, le lieu où s’opère l’union de l’art et de la vie.
Van Doesburg et Mondrian seront très influencés par les écrits de Schoenmaekers.
En plus de ces influences spirituelles il y a aussi des influences formelles. Les artistes du groupe vont intégrer les recherches cubistes, du début des années 1910.
Le cubisme analytique était une recherche pour atteindre l’essence même des objets, quête qui aboutit avec le cubisme synthétique l’invention de signes, qui donnent à voir l’objet hors de toute subjectivité.
La théosophie recherche également l’essence de la création (univers-et création de l’artiste), expliquant les forces de l’univers grâce à une grammaire de formes et de couleurs.
Piet Mondrian (1872-1944) qui se nourrit de ces différentes approches diffusées dans les revues théosophiques, va conjuguer ces recherches pour mettre en place une nouvelle manière de concevoir l’objet tableau lui même. Le tableau n’est plus le lieu de la restitution illusoire du réel, mais le lieu de la révélation de la réalité des élément constitutif de l’univers. Ce qui conduit les artistes a une nouvelle conception de l’espace du tableau. C’est à dire un espace plan.
Au cours des années 1912-1917, moment d’intense recherches, où il géométrise le paysage.
Mais où il élabore ses compositions à partir d’une grille ou la composition circulaire, ou encore le losange sont directement issu de la géométrie théosophique.
- Composition en losange
Ces compositions ce font en parallèle des recherches de Van Der Leck, Huszàr, et Van Doesburg.
A partir de 1920, Mondrian abandonnera ces compositions mathématiques, pour utiliser son vocabulaire élémentaire de manière plus intuitive.
« Ce processus historique était ontologique: chaque art devait réalisé sa nature propre en se purgeant de tout ce qui ne lui était pas propre, en révélant ses matériaux et ses codes (…) la spécificité de De Stijl réside dans cette idée qu’un seul principe génératif peut être appliqué à tout les arts sans compromettre leur intégrité, et plus avant en constituant la seule base sur la quelle le principe de leur autonomie puisse être garanti »Yves Alain Bois.
Cette révélation ne peut pas se cantonner au tableau, mais doit être développé dans l’espace grâce à l’architecture.
Il faut de plus pour bien comprendre les questions que ce posent les artistes, ce replonger dans l’atmosphère scientifique et artistique de l’époque :
La représentation que l’on se fait de l’univers est entièrement remise en question par les découvertes de Einstein qui redéfinit une nouvelle conception de l’espace et du temps.
De plus, depuis une vingtaine d’années les arts et les sciences connaissent au Pays Bas, un développement important aussi bien en architecture qu’en peinture :
- H.P Berlage (1856-1934) premier architecte moderne Hollandais, sont travail a deux source d’inspiration les écrits de Viollet-le-Duc, et les théories théosophiques de Lauweriks. Il sera une référence pour Oud et Rietveld.
Son travail le plus célèbre est la Bourse d'Amsterdam en 1903, mais il a aussi réalisé le Musée municipal de La Haye.
Son travail se rapproche de l'Art nouveau dans l'utilisation apparente des nouveaux matériaux comme le fer pour les bâtiments, mais il est plus proche du style allemand (« Jugendstil ») ou viennois (« Sezessionstil ») de l'Art nouveau que du style français ou belge.
Il a aussi conçu des meubles qu'il vendait dans une boutique à Amsterdam, créée avec J. van den Bosch : « Het Binnenhuis ». Elle fut un pivot du Nieuwe Kunst, la déclinaison hollandaise de l'Art nouveau.
De nombreux artistes influents y travaillèrent.
, dont J.L.M. Lauweriks (1864-1932).
Ces artistes internationaux, sont au cœur de l’Europe, à un carrefour des avants gardes : Paris, Bruxelles, Berlin… des collectionneurs privés s’intéressent aux courants d’avant garde et les exposent, expressionisme, futurisme et cubisme.
Les pays bas sont depuis la fin du XIX, dans un recherche d’unité et d’harmonie, cette recherche se voit aussi bien dans les arts que dans la langue elle même. Cette recherche qui se retrouve chez différents intellectuels de l’époque est en grande partie inspirée de la philosophie de Spinoza.
La revue fondée par Théo Van Doesburg, en 1917, est la concrétisation d’un projet qu’il porte depuis 1915. En effet, c’est en octobre 1915, qu’il écrit un article dans un journal à propos d’une exposition au musée municipal d’Amsterdam où sont exposés des tableaux de Piet Mondrian. Cet article rapprochera les deux hommes et marque le début de leur amitié.
Van Doesburg (1883-1931) (Christian Emile Marie Küpper), son changement de nom est un hommage à son beau père Théodorus Doesburg. Il est alors un jeune homme très actifs, très informé sur l’art d’avant garde en Europe, autodidacte il fait des conférences, écrit de articles, peint dès 1904 et collabore avec des architectes, (J.J.P.Oud). Il expose pour la première fois en 1908. Dès 1912, il publie ses premiers articles de critique d’art.
Il épouse la poétesse Agnita Feis en 1910, dont il se sépare rapidement pour épouser en 1916, Helena Millius.
Mobilisé de 1914-16, il rencontre le poète Antony Kok.
- La fille aux renoncules, 1914 Utrecht, collection central museum
Décrit comme une composition abstraite par van Doesburg lui même. Composition faite sur une base géométrique et abstraite.
C’est en 1916 qu’il rencontre Oud, van der Leck, Huszàr, et Mondrian. C’est avec eux qu’il fonde le club d’artiste De Sphinx.
Mondrian est plus âgé et revient d’un long séjour parisien, où il a fait des recherches inspirées du cubisme, aboutissant à des compositions abstraites. Il commence lui aussi à écrire des textes théoriques.
C’est alors que Van Doesburg le sollicite pour fonder une revue, et ainsi lui permettre d’exposer ses idées. Mondrian est loin d’être enthousiaste et a le sentiment que le public n’est pas prêt pour accepter ses idées sur l’art. Malgré les réticences de Mondrian, Van Doesburg, publie le premier numéro de revue en 1917, et permet a Mondrian d’ainsi publier son essai : » La nouvelle plastique dans la peinture ».
La revue est crées en octobre 1917, le premier numéro sera tiré a quelques centaines d’exemplaire, mais elle n’aura que quelques abonnées jusqu’en 1931. Elle a cependant une certaine influence sur les cercles artistique d’avant garde. Les idées principales de la revue sont :
- la question de la création d’un environnement, dans une perspective utopiste de faire apparaître ainsi l’homme moderne.
- La question de l’abstraction, et de son indépendance par rapport au sujet, et à la nature.
La revue met en avant les théories de Mondrian. « Le but de la nature c’est l’homme, et le but de l’homme c’est le style ».
La revue est alors un moyen de diffuser librement et rapidement idées et informations. Mais est aussi un moyen pour les artistes de faire coexister leurs textes théoriques avec des images de leurs recherches plastiques. Et ce jusque dans la mise en page de la revue.
Van Doesburg est rédacteur en chef et éditeur de la revue De Stijl. Il finance la revue grâce à son argent personnel. Jusqu’en 1922, la revue est mensuelle est tirée à 1000 exemplaires. Puis les numéros seront moins réguliers.
Les premières années la revue montre peu d’innovations sur le plan de la mise en page et de la typo, contrairement a ce qui est annoncé dans le texte ou tout l’environnement doit être régit par les principes esthétiques néo plastiques.
- Couverture de Vilmos Huzàr.
Entre 1919 et 1920, Van Doesburg rejoint Mondrian à Paris et participe alors à des soirées Dada, et rejoint la ligue des intellectuels communistes. Van Doesburg n’hésite pas publier des textes et poèmes dans différents revues d’avant gardes sous divers pseudonymes. Il entame alors une tournée européenne afin de diffuser l’esthétique De Stijl.
Entre 1921et 1922 van Doesburg est à Weimar, il continue à diriger la revue, mais les membres sont dispersés. Van Doesburg rencontre de nouvelles personnalités, au sein de l’école du Bauhaus comme Cornelis Van Eesteren, , mais aussi des groupes Dada, futuriste, et constructivistes, comme el Lissitzky, Kurt Schwitters avec le quel il entamera une tournée Dada aux Pays Bas.
On voit alors une plus grande innovation dans les recherches de mise en page et de typo de la revue.
Bien qu’appelé par Gropius, Van Doesburg dès son arrivée à Weimar est frappé par l’ambiance expressionniste et mystique instillé par Johanne Itten, Mais rapidement, il va savoir introduire les idées de De Stijl auprès de certains élèves, et prône la fabrication industriel, alors que l’artisanat est mis en valeur au cœur du cursus de l’école. il diffuse son esthétique néo plastique, qui influencera fortement l’évolution de l’esthétique au bauhaus, vers des formes moins expressionnistes, plus fonctionnalistes, ce qui de plus correspond mieux au projets de l’école qui est s’intégré à la production d’objets manufacturés. La forte personnalité de Van Doesburg, déstabilise le fragile équilibre mis en place par les maitres du bauhaus, il est donc critiqué. Il jette l’éponge et quitte Weimar en 1922. Ces idées marqueront cependant fortement le Bauhaus, et accélèrera peut être la transformation de l’école, aussi bien dans son esthétique que dans ses principes théoriques.
Cependant l’esthétique du bauhaus ne reprendra pas cette dynamique expansive propre aux œuvres du groupe De Stijl.
C’est en 1920, qu’il rencontre Nelly Van Moorsel, jeune pianiste de 16 ans sa cadette, qu’il épousera en 1928, pianiste, danseuse et peintre, elle participe activement aux évènements de Stijl.
A partir de 1923, Van Doesburg s’installe en France, et la revue s’ouvre à d’autres arts, comme la musique, le théâtre et la danse. Certains collaborateurs, comme Mondrian, cessent de participer à la revue, suites aux désaccords esthétiques entre lui et Van Doesburg.
La revue devient internationale, et certains articles sont diffusés dans d’autres revues d’avants garde. Il existe alors une variétés de revues d’avant garde connectées les unes aux autres, De Stijl appartient a cette ensemble. Ces revues par leurs contacts permettent de diffuser les recherches des artistes, mais aussi de créer des échanges qui vont venir nourrir leurs réflexions.
Van Doesburg participe a de nombreux projets, il fêtera les dix ans de la revue De Stijl avec un numéro spécial, mais dès 1929, il créé une nouvelle revue : « art concret », et participe à la fondation d’ « abstraction création ». Il meurt prématurément en 1931.
Il faut cependant souligner que dès ses débuts le groupe connaît des dissensions, internes, l’éloignement géographique, ne permettant pas de ressouder les liens. Mondrian et Van der Leck résident à Laren, petit village d’artiste proche d’Amsterdam, Van Doesburg, à Leiden, Vantongerloo à La Haye. Van Doesburg prend en charge la revue mensuelle, et s’impose ainsi de manière dirigiste aux autre membres du groupe.